I made a pie ! - What flavour ? - PIE FLAVOUR. { OMAËL.

Ne leur demandez pas comment, mais Omaël et Pandora ont réussi à fuir la présence peut plaisant de Whale la baleine cyborg. Ce qui n’était pas plus mal. Armée de son panier de pommes, Pandora se dirigeait vers sa demeure. A aucun moment elle ne s’est dit Ça peut paraitre étrange de ramener quelqu’un chez soi de façon si peu discrète seulement après quelques heures de rencontre, parce qu’elle ne pense pas vraiment à ce genre de chose. Cette fille est beaucoup trop naïve. Encore heureux qu’Omaël ne semblait pas être un psychopathe pervers malade mental. Même dans ce cas-là, elle serait sûrement tombée dans le pied du gentil ange tout doux. Oui, naïve est le terme qui lui convient bien dans ce cas-là. Il faut la comprendre : elle n’est pas beaucoup sortie de chez elle. Et personne ne lui a jamais la morale quant au fait de parler à des inconnus. D’un autre côté, depuis sa naissance, ce sont ses parents qui lui ont voulu le plus de mal donc bon ...

L’appartement de Pandora se trouvait dans le quartier Jaha. C’était le seul lieu d’habitation existant à l’époque et elle éprouve un certain plaisir à être ici. Elle peut s’occuper des nouveaux, par exemple. Et puis, au final, elle s’y était habituée. Quand Omaël entra dans sa demeure, la brunette se sentit presque mal à l’aise. Au fond, tout était pauvre : pas de décoration, tout était neutre, presque comme le jour où elle était arrivée ici. Mais peu importait : la jeune femme s’avança, en invitant au préalable son ami à la suivre, avec une assurance feinte. Puis elle posa son panier sur la table de la cuisine. Son appartement était assez petit, avec un salon-cuisine et deux autres pièces : sa chambre et la salle de bain. Autant vous dire qu’on en a vite fait le tour. Se hissant sur la pointe des pieds, elle attrapa deux verres d’un placard et les posa à côté du panier.

« Tu veux boire quelque chose ? J’ai … de l’eau … et … de l’eau … Mais de la bonne eau ! »

S’exclama t-elle avec un grand sourire. Elle n’avait pas forcément prévu d’avoir un invité chez elle. Néanmoins, elle n’était pas sûre d’avoir pu penser à prendre autre chose que de l’eau si elle avait prévu de la visite. Pandora restera Pandora.

Finalement, ils avaient tous les deux réussi à fuir la présence de Whale. Il aurait volontiers usé de la téléportation pour lui mettre un vent magistral bien plus tôt, mais bon, sans magie, c'était même pas la peine d'essayer. Il suivit alors Pandora jusque chez elle. Il devait probablement faire peur, à la suivre de près comme ça, en calant ses pas aux siens. Il essaya de se détendre et observa autour de lui. Il venait rarement dans le quartier Jaha. Lui-même vivait dans celui de Mockingjay, plus près des fermes et donc des animaux. Comme Jaha était plus près du centre-ville, c'était surtout des appartements qu'on y trouvait, et il ne fut donc pas étonné que Pandora vive dans l'un d'entre eux.

Cela ne l'empêcha pas d'être surpris par l'aspect neutre de son chez-soi. Certes, il ne la connaissait que depuis quelques heures à peine, mais il s'attendait à ce qu'elle décore son intérieur. Avec des fleurs, des plantes, voire même des peintures et tout ce qui va avec. Mais non, rien de tout cela. Il suivit Pandora de près, ne sachant pas trop s'il avait le droit de visiter ou pas. L'appartement ne semblait pas très grand, mais il l'était suffisamment pour une jeune fille vivant seule.

Lorsqu'elle lui proposa de l'eau, il hocha la tête :

« De l'eau suffira, merci. »

Tandis qu'elle s'affairait à remplir les verres, il jeta un coup d’œil furtif aux alentours. Tout était bien rangé à sa place, et rien ne dépassait. Il avisa un livre de recettes sur un comptoir de la cuisine et s'en empara pour le feuilleter. Il leva les yeux vers Pandora, mais celle-ci se contenta de lui donner son verre, qu'il prit en la remerciant.

Feuilletant à travers le bouquin, il s'arrêta sur une recette de tarte aux pommes. Voilà qui ferait l'affaire. Si seulement Omaël savait cuisiner. C'était bien mignon d'avoir proposé son aide, mais il était à peine capable de lire la liste des ingrédients sans se demander, par exemple, ce qu'était une pâte brisée. Ou comment la faire. Et toutes ces mesures, ça lui faisait tourner la tête. Il espérait que Pandora savait un peu mieux cuisiner que lui.

Il se racla la gorge pour attirer l'attention de la fillette qui semblait s'être prise d'affection pour le fond de son verre. Il lui mit le livre sous le nez, peut-être un peu trop violemment car elle sursauta, manquant de faire tomber son verre.

« Comment épluche-t-on une pomme ? »

Oui, Omaël ne connaissait vraiment pas les bases de la cuisine.

Pandora commença à servir de l’eau, tout en se perdant lentement dans ses pensées. Elle ne vit que très peu son invité entrain de gesticuler partout. Puis, elle commença à boire une gorgée, puis deux. Et un éclair de génie la frappa : avait-elle déjà fait à manger une fois dans sa vie ? Un livre de cuisine avait toujours été chez elle, depuis son arrivée, et il lui arrivait de baver devant les recettes qui l’habitaient. Mais concrètement … Les mots qui le formaient lui étaient généralement inconnus. Une pâte brisée était-elle vraiment utile ? A quoi bon voulait briser de la pâte quand on se tue à la faire avant ? Emincer ? Quel était ce terme étrange ? Cuire à bleu ? Cuire à blanc ? Fallait-il créer des feux de différentes couleurs ? Pandora était en général familière avec le vocabulaire de son livre, de la même manière que quelqu’un lisant depuis un certain temps une langue étrangère. On comprend que ça a l’air cool et beau, mais concrètement, on n’a aucune idée du sens.

Autant vous dire que quand cette réalité frappa la jeune fille, elle se rendit compte qu’elle allait avoir l’air complètement ridicule. Peut-être que si elle simulait un malaise, l’histoire de la tarte allait disparaitre à tout jamais. Ou alors, qu’elle aurait le temps d’apprendre à les faire avant de passer pour une idiote. Peut-être que si je… commença t-elle, quand Omaël se racla la gorge. Retournant à la réalité, elle eut juste le temps de se rappeler qu’elle était chez elle qu’un objet non identifié atterrit sous ses yeux. Autant vous dire qu’elle sursauta légèrement. Puis elle posa son regard au niveau d’Omaël : venait-il d’essayer de l’assassiner ? Son regard glissa sur l’objet du meurtre. Un sourire amusé se dessina sur le visage de la jeune fille : ce n’était que le livre de cuisine. Comment on épluche une pomme ? demanda le jeune homme. Ce qui, sur le coup, ne fit pas réagir la brunette. Puis elle comprit sa question.

Ca s’épluche une pomme ? Mais pourquoi faire ? C’est très bon avec la peau ! Fronçant les sourcils, Pandora se concentra sur le livre de cuisine. Quel drôle de concept. Eplucher des pommes. A quoi bon ? Omaël attendait sûrement une réponse. Mais Pandora décida de la lui donner plus tard. Pour le moment, elle se contenta de lire la liste d’ingrédients et de les étaler sur sa table. Elle avait une pâte toute fait, que quelqu’un lui avait donné, et d’autres aliments quémandés par ce bout de papier. Pendant un instant, elle se concentra tellement sur la table, qu’on aurait dit qu’elle espérait presque que la magie s’opère comme dans un jeu et que tout se fasse tout seul. Vous vous en doutez : ce ne fut pas le cas. Et pourtant, elle essayait très fort. Elle releva la tête vers Omaël, qui était toujours entrain d’attendre et fit un grand sourire.

« C’est quand tu arraches la peau de ce pauvre fruit. Je suis pas sûre que ça change grand-chose au fond … »

Cependant, voulant faire bonne figure, Pandora sortit deux épluches légumes et s’apprêta à montrer au jeune homme comment s’y prendre. Le problème était que ce n’était pas une professionnelle, à l’instant même où elle commença, la pomme glissa, un bout de peau atterrit sur son front et elle réussit à se couper très légèrement au niveau du pouce. Oui, Pandora possède énormément de classe, vous ne pouvez pas vraiment gagner un combat à l’humiliation.

« Oops ? »

Dit-elle, avec un grand sourire tout à fait gêné avec de laisser échapper un léger petit rire. Les probabilités qu'Omaël ait découvert que la cuisine n’était pas un talent caché étaient maintenant proches du 100%.

Malheureusement, Pandora n'avait pas l'air plus au courant que lui. Elle fronça les sourcils, se leva, sortit divers ingrédients qu'elle étala sur la table avant de se plonger dans une intense réflexion, yeux rivés sur les rainures du bois. Omaël, de son côté, attendit patiemment qu'elle lui réponde. Il essayait d'imaginer en quoi consistait l'épluchage de pomme, mais la réponse de Pandora ne fut pas ce à quoi il s'attendait. Cela l'effara, pour être tout à fait honnête. Arracher la peau ? Mais c'est barbare ! Il se voyait déjà planter ses ongles dans la pomme juteuse et arracher sauvagement la peau du fruit tandis que le jus giclait de toutes parts, tel le sang jaillissant du corps d'une victime écorchée vive... Omaël suait à grosses gouttes. Il avait bien trop d'imagination.

Pendant qu'il se torturait l'esprit avec des images mentales bien trop violentes pour son cœur, Pandora en profita pour tenter d'éplucher une des pommes. Et, ô malheur, elle se coupa avec la lame de l'économe. Si en réalité, ce n'était qu'une blessure superficielle, l'imagination surproductive d'Omaël lui fit penser l'inverse. Le pire, c'est qu'elle en riait ! Se rendait-elle compte de ce qui lui arrivait ? La pomme s'était vengée, ne voulant pas se faire arracher la peau, et c'est Pandora qui en subît les blessures !

Sans hésiter une seule seconde, il attrapa un torchon accroché à une poignée et en arracha un morceau. Puis il s'empara de la main de Pandora, qui le regarda avec des yeux terrifiés, et enroula le tissu autour de son doigt entaillé. Ne voyant plus le peu de sang qu'il y avait, Omaël se calma. Il croisa alors le regard de la jeune fille, qui trahissait des émotions entre la peur et la perplexité. Et il se rendit compte qu'il avait peut-être réagi de façon excessive. Il lâcha alors la main de Pandora et recula de quelques pas.

« Désolé. Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai eu peur. »

Son cœur battait la chamade. Tout ce flux d'émotions à la suite, ça lui avait un peu retourné le cerveau. Il n'osa pas regarder Pandora, et se contenta de récupérer la pomme tombée à terre, à peine épluchée. Qu'est-ce qu'il lui avait pris de réagir comme ça ? Ce n'était qu'une pomme.

Soudainement, sans réellement comprendre ce qu’il se passait, la pomme que Pandora avait entre les mains vola dans les airs. Pendant un court instant, la jeune femme eut le regard braqué sur le fruit. Il allait sûrement mourir dans d’atroces souffrances. Avait-il de la famille ? Si oui, comment les contacter ? Quand auront lieux les funérailles ? Pandora devrait-elle aller se rendre à la police pour y subir les conséquences de ses actes ? La brunette vit d’ici le tableau, se voyant déjà en larmes entrain de subir une horrible garde à vue, où ses pires secrets seront dévoilés, où les pires des souffrances seraient reines. D’avance, la maître de l’air se voyait devoir assister, sans pouvoir rien y faire, au malheur de cette famille, dont leur compagnon de vie avait été arraché. Ô malheur, Ô désesp…

Attendez. Pandora était en plein délire. Elle secoua sa crinière de droite à gauche, essayant d’effacer de sa tête ce délire psychédélique qui venait l’envelopper. Elle se concentra donc sur la réalité : pourquoi cette pomme avait-elle commis un tel suicide ? Ayant retrouvée ses sens, Pandora remarqua que son invité était entrain de lui bander la main avec un torchon. Pourquoi faisait-il donc une telle action ? Il semblait complètement tétanisé, effaré, terrifié, apeuré, par ce qui se déroulait sous ses yeux. Ce qui poussa la brunette à en faire autant. Y’avait-il le feu ? Avait-il vu des vers sortir de sa main ? Si cette chose venait de se produire, elle songea à se jeter directement par la fenêtre. Avoir une deuxième personnalité, ok. Saigner des vers, non merci. Finalement, Omaël lâcha sa main.

Pandora passa son regard de son hôte à son doigt. L’un semblait très mal à l’aise alors que l’autre pouvait être comparé à un saucisson mal emballé. Pour peu, tout ceci donnerait faim à la jeune fille mais son esprit décida d’éviter de s’égarer de nouveau. La dernière fois qu’il en avait décidé autrement, elle s’était retrouvée à se demander pourquoi une pomme voulait mourir. C’en était déjà trop. Désolé. Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai eu peur. venait de dire l’ange. Ce qui laisse d’autant plus perplexe la jeune fille. Peut-être avait-elle réellement des vers dans le corps … Elle n’avait plus qu’à suivre la voie du fruit et se jeter par terre. Après quelques secondes de réflexion, elle n’était pas très sûre du résultat, alors elle se retint de le faire.

Petit à petit, sa mémoire à court terme décida de pointer le bout de son nez pour lui murmurer la raison de toute cette agitation. Effectivement, la jeune femme s’était coupée le doigt juste avant. Et la vue du sang pour un être aussi pure qu’un ange guerrier pouvait effectivement être dérangeante. Après tout, peut-être que lui, si on lui ouvrait les veines, des petits arc-en-ciel pailleté en émanait. D’où le fait que cette substance gluante et rubiconde soit désagréable. Au lieu d’être compatissante envers cette naïveté – ce qui aurait été la moindre des choses, voyons – Pandora se mit à rire – quelle impolie ! – à en pleurer. Sérieusement, pendant près de cinq minutes, la jeune fille pleurait de rire littéralement. Puis, elle finit par se calmer et s’approcher d’Omaël pour lui déposer un baiser sur la joue.

« Merci bien, ça faisait longtemps que je n’avais pas autant ri. Au moins, je sais que je peux compter sur toi pour me protéger de n’importe qui ou quoi ! »

S’exprima t-elle avec un grand sourire. Puis elle se pencha pour attraper la pomme suicidaire et enleva le bandage improvisé qu’elle avait au doigt.

« Tu m’excuses, par soucis pratique, je dois retirer ça. Mais promis, à la moindre infection, je le remet. »

Lui dit-elle, avec un clin d’œil. Puis elle l’invita à la regarder faire pour qu’il sache éplucher une pomme. Ce fut donc au bout de dix laborieuses minutes, trois lâchés d’éplucheurs et une moitié de pomme à la poubelle que Pandora réussit à enlever toute la peau du fruit.

« A toi ! »

S’exclama la jeune femme, en tendant l’objet de torture à son ami.

Omaël ne savait plus où se mettre. Voilà que Pandora se mettait à rire, et pas d'un rire doux et compatissant, mais elle semblait à deux doigts de se rouler par terre tant elle riait. Que ne pouvait-il disparaître et s'enfuir très loin d'ici, à tout jamais... Il n'oserait plus jamais la regarder en face. Tandis qu'il hésitait encore à se jeter par la fenêtre, Pandora commençait à se calmer et ne riait plus aux éclats. Elle avait encore un énorme sourire sur le visage, et Omaël craignait qu'elle ne se remette à rire encore plus fort qu'avant dès que leurs regards se croiseraient. Mais il n'en fut rien, et à la place, Pandora lui planta un baiser sur la joue. Il sentit le sang lui monter aux joues de façon alarmante. Il avait très chaud, tout d'un coup.

« Merci bien, ça faisait longtemps que je n’avais pas autant ri. Au moins, je sais que je peux compter sur toi pour me protéger de n’importe qui ou quoi ! »

Omaël se sentit un peu gêné, mais pas ce n'était pas le même embarras qu'il ressentait avant. C'était une gêne plutôt heureuse qui le submergeait à présent. Et ce n'était vraiment pas désagréable, à vrai dire. L'idée de protéger Pandora lui plaisait assez bien, même si, dépourvu de ses pouvoirs, il ne servait plus à grand-chose et Pandora serait probablement capable de se débrouiller sans son aide. Mais il ne pouvait pas se résigner à la laisser toute seule, aux griffes de types dans le genre de Whale... Oui, aux yeux d'Omaël, Pandora était une petite créature innocente qu'il se devait de protéger des monstres rôdant dans les parages, prêts à lui bondir dessus dès qu'elle se retrouverait toute seule.

Il sortit de ses pensées chevaleresques quand la petite créature sans défense se remit à la tâche d'éplucher la pomme rebelle. Ceci dura dix minutes, dix minutes durant lesquelles Omaël essaya tant bien que mal de se concentrer pour apprendre à utiliser un économe. Ses yeux ne cessaient de dévier de la pomme à Pandora, et ses cheveux qui tombaient en rideau sur les côtés de son visage. Évidemment, il dût se mettre à la tâche à son tour quand la jeune fille se tourna vers lui pour lui tendre l'outil de cuisine.

Ce fut avec difficulté qu'il s'attela à l'épluchage, qui ressemblait plutôt à un massacre à la hache. Au final, la pomme fut dénuée de ses atours, et avait au passage prit la forme d'un cube. Enfin, c'était toujours ça de fait. La tarte demandant trois pommes pour être faite, Omaël se fit gentleman et proposa de s'occuper de la dernière. Tandis qu'il essayait de moins la déformer que la première, il chercha un sujet de conversation.

« Je ne faisais pas beaucoup d'activités avec mes frères et sœurs... on passait surtout notre temps à nous disputer et à nous faire sermonner par notre père. »

Il risqua un coup d’œil vers Pandora qui s'occupait de mélanger le sucre, les œufs et le lait dans un saladier. Elle esquissa un vague sourire, sans quitter sa préparation des yeux. Omaël était d'humeur curieuse. Il voulait en savoir plus sur elle. Et il n'avait pas pour habitude de raconter sa vie, qu'il trouvait loin d'être passionnante...

« Là où tu étais avant, tu avais aussi des frères ou des sœurs ? »

Omaël semblait assez vite prendre le coup de main avec l’économe. Par assez vite, vous comprendrez que de toute façon, il aurait été fort compliqué de faire plus long que Pandora elle-même, donc d’un point de vue comparatif, il était évidemment au moins aussi doué qu’elle. Ce qui peut être pris comme un compliment, sous un certain angle. Néanmoins, les deux jeunes amis ne semblaient pas réellement impatients de faire cette tarte et avaient décidé de prendre leur temps. D’un autre côté, encore une fois, il n’en était pas moins sûr qu’ils puissent réussir à aller plus vite. Ils avaient donc atteint leur vitesse de croisière et semblaient s’en satisfaire. Dans la même idée, ils semblaient que tous deux ne furent en aucun cas perturbés par l’aspect cubique de leur fruit dévêtu. De toute façon, l’art culinaire qui leur est propre ne regarde personne. Et puis, le côté tarte aux pommes abstraite, ça peut aussi avoir un certain charme. Tout ça pour dire qu’au bout d’un laps de temps qui, par respect, ne sera pas communiqué, les deux chefs avaient enfin réussi à éplucher trois pommes. Gloire à l’économe !

Pendant qu’Omaël s’affairait dans la création de la dernière œuvre d’art qui manquait à leur tableau, Pandora s’occupait de préparer la pâte. En lisant scrupuleusement la recette, elle ajoutait petit à petit les ingrédients : sucre, œufs, lait, tout y était. D’un mouvement de main circulaire de la part de la maître de l’air, la mixtion semblait se mélanger toute seule pendant que la jeune femme continuait de lire les ingrédients et les instructions. Passant délicatement à la prochaine étape, Pandora se souvient qu’elle avait déjà tenté de faire une sorte compote il n’y a pas si longtemps, ce qui lui éviterait de le refaire. Elle se pencha donc en arrière pour ouvrir le frigo et attirer le pot sur la table pendant que la pâte se reposait. Se rappelant que sa maîtrise de l’air tendait à être bouillante, la brunette se décida à arrêter de l’utiliser : ce serait dommage de faire tourner le mélange aussi vite. Puis la voix d’Omaël se fit entendre, alors qu’il se concentrait pour garder la forme originale du fruit.

Je ne faisais pas beaucoup d'activités avec mes frères et sœurs... on passait surtout notre temps à nous disputer et à nous faire sermonner par notre père. Pandora leva les yeux de son saladier pour les planter dans ceux d’Omaël qui fixait la pomme. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres pendant qu’elle s’imaginait cette vie : elle, heureuse, avec d’autres frères ou sœurs entrain de se chamailler pour rien, sous l’œil protecteur de leurs parents. D’un revers de main mental, elle s’effaça cette idée de la tête, comprenant que c’était une idée ridicule. Même pas l’ombre d’un souvenir qui aurait pu se passer dans une autre vie. Se concentrant de nouveau sur ta tâche, Pandora finit de rajouter le lait et pris une spatule pour touiller la pâte. Elle essaya de garder un certain rythme, toujours avec une sorte de sourire un peu mélancolique sur le visage, quand Omaël reprit la parole. Loin de déranger la jeune femme, qui pourtant ne détacha pas ses yeux de son plat, il lui posa une question concernant sa famille.

Le temps que la question arrive au cerveau de Pandora, celle-ci lâcha la spatule. Sûrement un peu trop violemment, car quand elle réalisa ce qu’il venait de demander, de la pâte vola sur le front de la jeune femme. Toujours aussi adroite, elle tenta de l’essuyer avec sa main. Mais ce n’était pas sans compter le fait que sa main aussi était recouverte de cette matière étrange ! Bref, au final, le visage de la brunette ressemblait davantage à un masque de beauté qu’à un visage humain. Ce qui fit légèrement sourire la jeune fille, plus blasée qu’autre chose par ce comportement des plus stupides. Elle se baissa, pour chercher un rouleau de sopalin caché dans un placard. Tout en cherchant, elle commença à expliquer plutôt vaguement :

«Effectivement, j’avais un frère dans mon monde. Il s’appelait Olympe. Il était plus âgé que moi. Très gentil. Très protecteur. Un peu tête brûlée. Mais toujours adorable. »

Expliqua-t-elle, lentement, fouillant en même temps dans son placard et dans sa mémoire. Ayant trouvé ce qu’elle cherchait, elle se redressa, posa le rouleau entre Omaël et elle, humidifia légèrement une épaisseur de feuilles au robinet et commença à se débarbouiller.

« On ne se parlait pas beaucoup. Il avait un peu un rôle d’éducateur en soit. Il m’a appris à lire, à écrire, à compter. C’est grâce à lui que je connais toute l’histoire de mon monde. C’est même lui qui me coupait les cheveux, parfois. »

Dit-elle, avec un sourire amusé à ce souvenir. Ce jour-là fut une calamité. C’était complètement raté. Elle avait eu une frange de travers, des mèches plus longues que d’autres, un trou à un endroit de sa chevelure et ressemblait davantage à un punk mal-léché qu’à une petite fille lambda qui voulait être une princesse. Dans un monde normal, ses parents auraient dû hurler, prendre des photos et rire de tout ça. Dans la réalité, ils ont juste haussé les épaules et ont continué les test.

« Il avait des cheveux noirs et des yeux bleus, je crois. Enfin, c’était à la base. Avec le temps, ils avait plutôt tendance à être argentés ou blancs. Les yeux, comme les cheveux. »

Fronçant les sourcils car incapable de se souvenir avec exactitude du visage normal de son frère, Pandora s’approcha doucement du saladier et continua, mollement, à mélanger le tout avec la spatule. La dernière image qu’elle avait eue de lieu était la seule qui arrivait à rester ancrer dans sa mémoire. Et ce n’est pas le genre dont on en apprécie les traits et éclairages.

« Puis, il est mort sous mes yeux dans des conditions inhumaines. prononça-t-elle avec une voix faible. Mais je vais t’épargner les détails, sinon tu vas vomir. »

Ajouta-t-elle avec un petit sourire qui voulait dire Désolée, je n’aurai pas dû ajouter ça, mais je ne vois pas pourquoi je te l’aurai caché. Je vais juste éviter de t’avouer tout de suite qu’il est maintenant dans ma tête, qu’il veut contrôler le monde et veut assassiner la terre entière car sinon tu vas sûrement vouloir m’envoyer voir ton frère Satan pour me punir de mes péchés.

La maladresse de Pandora avait repris le dessus, et elle se retrouva recouverte de pâte. Mais cette fois-ci, Omaël n'eut pas l'occasion de l'aider. Elle sortit un rouleau d'essuie-tout tout en répondant à sa question. Elle se débarbouilla le visage au-dessus de l'évier, et lui conta comment son frère lui avait appris tout ce qu'elle savait. Cela lui rappela la relation qu'il entretenait autrefois avec Daniel, son frère aîné également. Ils étaient proches sans l'être réellement, et Daniel se comportait plus comme un mentor qu'autre chose. Enfin, c'était avant qu'il ne s'enfuie du Paradis avec une de leur sœurs.

Pandora lui décrivit son frère, et Omaël fronça les sourcils en apprenant que son apparence avait changé au fur et à mesure. Dans quelles conditions cela pouvait-il arriver ? Était-ce quelque chose propre aux maîtres de l'air ? Si tant est que son frère en soit également un. Une fois son visage lavé de la mixture sucrée, Pandora retourna à son travail et acheva son récit sur le décès de son frère. Elle ne semblait pas vouloir en parler. La perte de son aîné était sûrement quelque chose qu'elle avait encore du mal à accepter. Omaël n'avait pas le cœur à la forcer. Mais d'un autre côté, il n'avait pas envie de se taire. Que pouvait-il faire pour la réconforter ? Il ne savait pas du tout ce qui pouvait lui faire plaisir. En fait, il ne savait pas grand-chose d'elle.

Il posa sur le comptoir le fruit qu'il venait de finir d'éplucher, et se tourna face à Pandora. Posant gauchement sa main sur son épaule, il chercha ses mots.

« Je ne peux pas dire que je comprends ta douleur. Malgré la mort et la disparition de beaucoup de mes frères et sœurs, je n'ai jamais rien ressenti avant d'arriver ici. Les émotions sont beaucoup plus faibles pour nous que pour les humains. »

Il plongea ses yeux bleus dans les siens.

« Mais sache que si tu as besoin de te confier à quelqu'un, je suis prêt à tout. Pendant des millénaires, j'ai vu des tas de choses horribles arriver sur Terre. Des meurtres, des catastrophes naturelles... Je pense avoir le cœur suffisamment bien accroché pour entendre tout ce que tu seras prête à me dire. »

Il détourna le regard et ôta sa main de son épaule.

« Seulement si tu en as envie, bien sûr. »